Dans la rue Ferrus, où disparut la firme Deberny&Peignot

Ferrus
Rue Ferrus, juillet 2007

La firme qui avait ici son siège a disparu, après une longue histoire, marquée par des débuts acrobatiques, autour de 1828. Sa naissance accompagne pratiquement la fin de l’aventure industrielle de Balzac. Elle doit en effet son nom à un Alexandre de Berny, fils de Mme de Berny, amie, amante et soutien indéfectible d’Honoré. Malgré son dévouement, elle ne put empêcher le naufrage et la faillite judiciaire du romancier qui avait échoué, dans les affres de la création et du commerce réunis. 

Après avoir pris les clés de la fonderie de caractères que sa mère lui avait confiées, Alexandre Deberny avait abandonné la particule, par crainte des troubles de l’époque.

Balzac imprimeur
Dans le livre de Jérôme Peignot, Typoésie

Après d’autres aventures, cette maison a duré, elle, en changeant notamment sa raison sociale. Ses créations ont marqué plusieurs époques de la typographie. La dernière, le fameux « Univers » est un apogée. Est-ce cette police qui précipité sa fin, en 1972 ? Elle a été sans doute la plus moderne, de celles qui se fondaient et elle fut vite adaptée à la photocomposition qui préfigura ce qu’est aujourd’hui la création des polices de caractère, hors de toute manipulation de métaux. Plus de métaux, mais toute une machinerie.

Affichette
Dans le livre de Jérôme Peignot, Typoésie
Peignot
Ode à la typographie

« Le premier à publier une photographie de Dora avait justement été Charles Peignot. […] La famille possédait une fonte de caractère d’imprimerie célèbre, inaugurée par Balzac : l’Industrie Deberny-Peignot. Sur cette base, l’héritier avait créé une revue qui, en 1932, publia la photo de Dora. »

Alicia Dujovine Ortiz – Dora Maar Prisonnière du regard– Le Livre de Poche, 2005 Page 101 

Jérôme Peignot, fils de Charles, est un amoureux de la typographie. Il voit dans la forme des caractères et dans leur agencement sur le papier une poésie. C’est une ambition qui l’a mené à publier un livre étonnant et magnifique, Typoésie

Il est également l’auteur d’une biographie de Pierre Leroux, qu’il salue comme l’inventeur du mot « socialisme ».

Quatrième
Ode aux typographes

Au début des années 1990, Jérôme Peignot, l’héritier de la maison, Deberny&Peignot, défendait avec un bel enthousiasme la belle typographie. Il n’avait cependant pas vu toutes les ressources des courbes de Bézier. Cette trouvaille mathématique a été mise à profit par les développeurs de logiciels pour calculer les formes des lettres qui apparaissent sur les écrans et sortent des imprimantes.

Un jour, en 1993, au cours d’une discussion sur ces sujets, il avançait l’argument selon lequel les ordinateurs ne pouvaient faire une italique à partir d’un caractère romain qu’en appliquant un coefficient donné pour « pencher » la lettre, ce qui donnait un résultat esthétiquement laid. Au contraite, en typographie, c’est une lettre nouvelle qui est dessinée. La démonstration lui fut faite que son point de vue était erroné. Ce fut par l’exemple typique du « r », décliné en romain et en italique. Mais, alors, il affirma que, si on augmentait suffisamment le corps, on verrait ce « r » subir les pires déformations et devenir inutilisable. Quand sortit de l’imprimante un

majustueux, en corps 70 ou 80, un abîme d’incompréhension désespérée put se lire sur son visage. Il n’avait pas de compte-fil sur lui, mais il voyait bien qu’il serait difficile d’opposer à ce résultat les critiques qu’il avait forgées à l’époque des balbutiements de l’informatique appliquée à la typographie. Activité qui avait précipité la chute de la maison Deberny & Peignot.


Dans le livre de Jérôme Peignot, Typoésie
Dans le livre de Jérôme Peignot, Typoésie

janvier 1948 – juillet 2007 – avril 2020 – juillet 2022