Par le passage Trébert, d’un monde à l’autre

Photo d’Eugène Atget. Cliché Bibliothèque nationale de France, Paris

C’était au bord de l’immense gare des Batignolles, entre la porte de Clichy et la porte d’Asnières. Le boulevard du Fort de Vaux doublait le boulevard Berthier, entre Paris et Levallois. 

Dans les années 1950, le passage Trébert débouchait dans ce boulevard, la zone de la zone. Il y avait aussi le passage Jemmapes et le passage Valmy. Les taudis y semblaient installés depuis toujours et pour toujours. 

La Ville de Paris avait donné les noms de ces illustres batailles à l’un des coins les plus reculés de la glorieuse cité. Ces deux passages étroits, tapis entre Paris et Levallois, ont aujourd’hui, en 2010, disparu. Pour honorer les grandes batailles des armées révolutionnaires, ne restent que les quais, du même nom. Hier, aussi déshérités ; aujourd’hui, brillant des feux équivoques des bistros.

Le passage Valmy ne pouvait guère laisser imaginer un quelconque avenir de la ville. C’était un des plus reculés, un des plus misérables aussi. Coincé dans son passé.

D’un côté, vers la porte de Clichy, c’étaient le chiffonniers ; de l’autre, vers Champerret, les ferrailleurs, plus batailleurs. 

Dans les années 1960, le tout fut déclaré îlot insalubre et démoli. À la place, un morceau du boulevard périphérique, un foyer de la SONACOTRA et une école supérieure de commerce. 

De la fenêtre, en attendant durant des heures les visites qui ne venaient pas, on pouvait voir les manœuvres des locomotives à vapeur sur la plaque tournante de cette gare des Batignolles gare de triage et entrepôts. 

Les cheminots venaient au bistro d’à côté en passant par un trou qu’ils avaient pratiqué dans une clôture de plaques de ciment assemblées. C’était la limite de l’emprise de la gare. Ils rencontraient les cochers des Glacières de l’Union qui passaient aussi sur le boulevard pour livrer leurs pains de glace au reste de la ville. 

Pendant qu’ils parlaient et buvaient leurs coups, les chevaux attendaient, leur sac d’avoine pendant à leur tête. Deux images de la patience, placide d’un côté de la vitre, angoissée de l’autre.

janvier 1948 – avril 2003 juin 2010 décembre 2014 – septembre 2019