
D. — LE RIENOLOGUE
nommé par quelques-uns LE VULGARISATEUR
Alias : homo papaver
(Nécessairement sans aucune variété)
La France a le plus profond respect pour tout ce qui est ennuyeux. Aussi le vulgarisateur arrive-t-il promptement à une position : il passe homme grave du premier coup, à l’aide de l’ennui qu’il dégage. Cette école est nombreuse. Le vulgarisateur étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs et débite mécaniquement cette effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues. La page a l’air d’être pleine, elle a l’air de contenir des idées ; mais, quand l’homme instruit y met le nez, il sent l’odeur des caves vides. C’est profond, et il n’y a rien : l’intelligence s’y éteint comme une chandelle dans un caveau sans air. Le Rienologue est le dieu de la Bourgeoisie actuelle ; il est à sa hauteur, il est propre, il est net, il est sans accidents. Ce robinet d’eau chaude glougloute et glouglouterait in sæcula sæculorum sans s’arrêter.
Honoré de Balzac
LES JOURNALISTES
Monographie de la presse parisienne
Rédigée et publiée en 1843
En 2019, on ne lit plus guère le latin et il n’est pas impossible de passer à côté des connotations de pavot et d’opium que traîne après soi ce « papaver » qui qualifie notre « homo journalisticus » d’un genre particulier.
D’ailleurs, Balzac, qui éprouve un fort mépris pour le vulgaire, au point d’avoir adjoint une particule salvatrice à son nom de famille, ne pouvait s’empêcher de brocarder celui qui s’abaisse à vulgariser.