Luxe. Même David Lynch a participé à l’exposition « Mathématiques, un dépaysement soudain » organisée derrière les verres m’as-tu-vu de la Fondation Cartier. C’était donc à voir.

À voir et à entendre. Alain Connes, image prise par Raymond Depardon, voix recueillie par Claudine Nougaret, illustre avec talent la passion que chacun d’entre nous entretient, secrètement ou non, avec la discipline des disciplines : la Mathématique.
Comme on dit la Callas.
« Le principal outil qui permet de débuter ce voyage [à l’intérieur du monde mathématique], c’est l’analogie. C’est le fait que l’esprit humain est capable de voir, entre des domaines très, très différents, certains reflets, certaines correspondances, et, à partir de ces reflets, de ces correspondances, de transposer, de transplanter des idées qui étaient valables dans un domaine, de les transplanter dans un autre domaine. » Et, pour lui, un « autre domaine », le sien, celui des mathématiques, a conquis son indépendance vis-à-vis du monde dans lequel vivent les autres, physiciens ou visiteurs d’une exposition : « La plupart des énoncés qui sont vrais sont en fait indémontrables. » Une manière de dire l’immense modestie des mathématiciens. Ou, au contraire, leur ambition sans borne, une ambition qui les conduirait à considérer la vérité comme une catégorie qui, finalement, n’a qu’une importance relative, face à celle-ci : ce qui a de la valeur, c’est ce que le mathématicien peut démontrer. Quoiqu’il en soit Alain Connes montre que vouloir régenter les choses humaines selon des règles extraites de la mathématique relève d’un charlatanisme, grossier ou raffiné.

Professeur au Collège de France et à l’Institut des hautes études scientifiques, Alain Connes a reçu la médaille Fields en 1982 et la médaille d’or du CNRS en 2004. Ses travaux l’ont conduit vers la géométrie non commutative, dont il est un des fondateurs. Cette branche des mathématiques permet de réunir en un seul formalisme des structures discrètes et des structures continues.
Au cours de la préparation de l’exposition, il a expliqué à Raymond Depardon et à Claudine Nougaret que quatre minutes devant la caméra lui seraient nécessaires pour évoquer la profondeur des mathématiques. Pari extravagant et tenu : sa séquence dure quatre minutes et trente secondes et le spectateur tombe dans un puits de science en même temps qu’il est délicieusement entraîné dans un abîme de perplexité.
Ces correspondances vous lancent une Invitation au voyage.
« Là tout n’est qu’ordre et beauté… »
Retour au sous-sol, devant l’immense écran où Raymond Depardon nous montre, où Claudine Nougaret nous fait entendre, les propagandistes de l’esprit. L’un d’eux évoque la beauté et la vérité dans sa discipline en opposant l’une à l’autre : la beauté est immédiate alors que la vérité s’approche lentement.

Au rez de chaussée de la Fondation,une autre salle, circulaire avec péristyle, met en scène une « Bibliothèque des mystères ».
Vingt-neuf ouvrages livrent les phrases essentielles du chemin que Misha Gromov nous propose pour le rejoindre dans l’univers mathématique. Parmi elles, un aphorisme de Henri Poincaré entre en… correspondance avec les propos d’Alain Connes : « La mathématique est l’art de donner le même nom à des choses différentes ».
Un jeu de liste, si vous voulez suivre le chemin :
Héraclite
Platon
Aristote
Archimède
René Descartes
Galilée
Blaise Pascal
Isaac Newton
Buffon
Pierre de Maupertuis
Antoine Laurent de Lavoisier
Lamarck
Georges Cuvier
Bernhard Rieman
Alfred Russel Wallace
Charles Darwin
Claude Bernard
Gregor Mendel
Hermann von Helmholtz
Henri Poincaré
Albert Einstein
Linus Pauling
Erwin Schrödinger
Alan Turing
Richard P. Feynman
Alexandre Grothendieck
Mathématiques, un dépaysement soudain – Fondation Cartier – Paris, 21 octobre 2011 – 18 mars 2012
(Janvier 1948 – octobre 2011 – juillet 2018 – janvier 2019 – octobre 2020)