

Le 26 mars 2003 était un jour de printemps. Près de Saint Germain, un bistro, Le Petit Saint Benoît, oppose sa familiarité aux spectacularités des Deux Magots et du Flore, exposées à deux pas. On en vient à se demander comment ce style peut être resté authentique, si c’est bien vrai ou si ça n’a pas été fabriqué par un designer. Non, c’est venu avec le temps et les gens. Certains des clients sont des habitués et ont leur serviette dans le casier.
Tellement habitués que la serveuse s’amuse à maltraiter le client quand on lui demande de poser pour la photo.

En regardant autour de soi, on lit aussi tes journaux. Charlie Hebdo, où une polémique sur Le Monde fait réagir Philippe Corcuff, qui prend habilement la défense de Plenel.
Dans l’autre monde, le réel, la guerre se poursuit. Il se dit que les Américains se heurtent à une résistance qu’ils n’attendaient pas de la part des Irakiens. Est-ce vrai ?
Mais surtout, comment était-il possible, pour eux et d’autres dans le monde, dans les médias par exemple, de croire que le peuple allait accueillir les soldats avec des fleurs ? Sans doute, l’idéologie de la disparition de l’État, de la Nation, devant l’économie, les multinationales et l’hyperpuissance américaine a-t-elle aveuglé au point de faire oublier que l’Histoire, sur sa lancée, ne peut effacer des siècles de civilisation, de souffrances et de passions communes qui soudent les peuples. C’est en vertu de ce « destin » qu’ils n’acceptent pas les troupes étrangères, leur apporteraient-elles la Liberté. La Libération en France, parfois citée en contre-exemple, a un côté fallacieux. Les troupes alliées ont été fêtées car elles chassaient d’autres troupes étrangères ; certes dirigées par les nazis, mais aussi allemandes.

Des gens à Bagdad se demandent en ce moment même si leurs cafés ne vont pas diparaître sous les bombes.
Dans des tanks au milieu du désert des jeunes gens ont peur.
Tous ce qui disparaît ici, à Paris, ne fait que s’éloigner, se cacher derrière nos souvenirs et provoquer en nous une vague nostalgie, nous qui avons vécu au temps où ces choses étaient là. Ces garçons de 20 ans qui vont mourir ne connaîtront pas cette nostalgie.

