
Le matin encore, on ne parlait que d’embrocher et de manger tous les Français. Ma confiance absolue dans une telle armée [prussienne] et dans le duc de Brunswick m’avait moi-même entraîné dans cette périlleuse expédition : maintenant, chacun paraissait rêveur ; on ne se regardait pas, ou, si cela arrivait, c’était pour jurer ou maudire. À la nuit tombante, nous avions par hasard formé un cercle, au milieu duquel un feu ne put même pas être allumé comme d’ordinaire. La plupart se taisaient, quelques uns discouraient et pourtant, à proprement parler, chacun manquait de réflexion et de jugement. Enfin on m’interpella, pour me demander ce que je pensait de tout cela (car j’avais assez souvent égayé et réjoui la compagnie par de courtes réflexions). Je répondis cette fois : “De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l’histoire du monde, et vous pourrez dire : ‘j’y étais’.”.
Goethe
(Campagne de France)
Cité par Frédéric Encel – L’art de la guerre par l’exemple – Flammarion – Champs
Cité aussi par Jean-Paul Bertaud – Valmy, la démocratie en armes – Julliard – Collection Archives
p. 52 de l’édition GF Flammarion