3 décembre 1792

« Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive »

Bibliothèque historique de la Ville de Paris, décembre 2018
Moniteur, Numéro 340, 5 décembre 1792

Discours de Maximilien Robespierre 
prononcé à la Convention le 3 décembre 1792 
à l’occasion du procès de Louis XVI

Le texte historique, tel qu’il a été publié dans Le Moniteur. Il est possible de le consulter, à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. 
Ont été respectées l’orthographe et la ponctuation de l’époque, ainsi que les éventuelles erreurs des rédacteurs et typographes de cette période effervescente.

Ordre du jour
Moniteur, Numéro 340, 5 décembre 1792
Premières lignes

Robespierre. L’Assemblée a été entraînée à son insu, loin de la véritable question. Il n’y a point ici de procès à faire. Louis n’est point un accusé, vous n’êtes point des juges ; vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’Etat, et les représentans de la Nation. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de Providence nationale à exercer. (On applaudit.) Quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la République naissante ? c’est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté, et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. Donc, présenter à l’univers son crime comme un problême, sa cause comme l’objet de la discussion la plus imposante, la plus religieuse, la plus difficile qui puisse occuper les représentans du peuple français, mettre une distance incommensurable entre le seul souvenir de ce qu’il fut, et la dignité d’un citoyen, c’est précisément avoir trouvé le secret de le rendre encore dangereux à la liberté. Louis fut roi, et la république est fondée. La question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mots : Louis est détrôné par ses crimes ; Louis dénonçait le peuple Français comme rebelle ; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confreres. La victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle. Louis ne peut donc être jugé, il est déjà condamné ; il est condamné ou la république n’est point absoute. (Applaudissemens.) Proposer de faire le procès à Louis XVI, de quelque maniere que ce puisse être, c’est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel ; c’est une idée contre-révolutionnaire, car c’est mettre la révolution elle même en litige. En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, Louis peut être absous ; il peut être innocent ; que dis-je ! il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé. Mais si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution ? n’est-elle pas encore incertaine et douteuse ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la Liberté deviennent des calomniateurs, et les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l’innocence opprimée ; tous les manifestes des Cours étrangères ne sont que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice ; la détention même que Louis a subie jusqu’à ce moment est une vexation injuste ; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriotes de l’empire français sont coupables ; et le grand procès pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie.

Robespierre

Citoyens, prenez-y garde ; 

Citoyens
Moniteur, Numéro 340, 5 décembre 1792

vous êtes ici trompés ici par de fausses notions. Vous confondez les regles du droit civil et positif avec les principes du droit des gens ; vous confondez la relation des citoyens entr’eux, avec les rapports des nations à un ennemi qui conspire contre elles ; vous confondez encore la situation d’un peuple en révolution avec celle d’un peuple dont le gouvernement est affermi. Nous rapportons à des idées qui nous sont familieres un cas extraordinaire, qui dépend de principes que nous n’avons jamais expliqués ; ainsi, parce que nous sommes accoutumés à voir les délits dont nous sommes les témoins jugés selon des regles uniformes, nous sommes actuellement portés à croire que dans aucune circonstance, les nations ne peuvent avec équité décider autrement contre un homme qui a violé leurs droits ; et où nous ne voyons point un juri, un tribunal, une procédure, nous ne trouvons point la justice. Ces termes mêmes, que nous appliquons à des idées différentes de celles qu’ils impriment dans l’usage ordinaire, achevent de nous tromper. Tel est l’empire naturel de l’habitude, que nous regardons les conventions les plus arbitraires, quelquefois même les plus défectueuses, comme la regle absolue du vrai, du faux, du juste ou de l’injuste ; nous ne jugeons pas même. La plupart tiennent encore nécessairement aux préjugés, dont le despotisme nous a nourris. Nous avons été tellement courbés sous son joug, que nous relevons difficilement nos têtes vers la raison ; que tout ce qui remonte à la source sacrée de toutes les lois, semble prendre à nos yeux un caractère illégal, et l’ordre même de la nature nous paraît un désordre. Les mouvemens majestueux d’un grand peuple, les sublimes élans de la vertu se présentent souvent à nos yeux timides comme des éruptions d’un volcan ou le renversement de la société politique ; et, certes, ce n’est pas la moindre cause des troubles qui nous agitent, que cette contradiction entre la faiblesse de nos mœurs, la dépravation de nos esprits, la pureté des principes, et l’énergie des caractères, que suppose le gouvernement libre auquel nous osons prétendre.

Nation

Lorsqu’une Nation a été forcée de recourir aux droits de l’insurrection, elle rentre dans l’état de la nature à l’égard du tyran. Comment celui-ci pourrait-il invoquer le pacte social ? Il l’a anéanti. La Nation peut le conserver encore, si elle le juge à propos, pour ce qui concerne les rapports des citoyens entre eux ; mais l’effet de la tyrannie et de l’insurrection, c’est de le rompre entièrement par rapport au tyran ; c’est de les constituer en état de guerre. Les tribunaux, les procédures judiciaires, ne sont faites que pour les membres de la cité : c’est une contradiction trop grossière de supposer que la constitution puisse présider à ce nouvel ordre de choses : ce serait supposer qu’elle survit à elle-même. Quelles sont les lois qui la remplacent ? celles de la nature, celle qui est la base de la société même, le salut du peuple. Le droit de punir le tyran et celui de le détrôner, c’est la même chose. L’un ne comporte pas d’autres formes que l’autre : le procès du tyran, c’est l’insurrection ; son jugement, c’est la chûte de sa puissance ; sa peine, celle qu’exige la liberté du peuple.

Peuples

Les peuples ne jugent pas comme les cours judiciaires ; ils ne vendent point de sentences, ils lancent la foudre ; ils ne condamnent pas les rois, ils les replongent dans le néant, et cette justice vaut bien celle des tribunaux. Si c’est pour son salut que le peuple s’arme contre ses oppresseurs, comment serait-il tenu d’adopter un mode de les punir qui serait pour eux un nouveau danger ? Nous nous sommes laissé induire en erreur par des exemples étrangers qui n’ont rien de commun avec nous. Que Cromwell ait fait juger Charles Ier par une Commission judiciaire, dont il disposait ; qu’Elisabeth ait fait condamner Marie d’Écosse par des juges, il est naturel que des tyrans qui immolent leurs pareils, non au peuple, mais à leur ambition, cherchent à tromper l’opinion du vulgaire par des formes illusoires ; il n’est question là ni de principes, ni de liberté, mais de fourberie et d’intrigues ; mais le peuple, quelle autre loi peut-il suivre, que la justice et la raison, appuyées de sa toute-puissance ?

Quelle

 Dans quelle République la nécessité de punir le tyran fut-elle litigieuse ? Tarquin fut-il appelé en jugement ? Qu’aurait-on dit à Rome si des Romains avaient osé se déclarer ses défenseurs ? Que faisons-nous ? Nous appelons de toutes parts des avocats pour plaider la cause de Louis XVI ; nous consacrons comme des actes légitimes ce qui, chez tout peuple libre, eût été regardé comme le plus grand des crimes. Nous invitons nous-mêmes les citoyens à la bassesse et à la corruption ; nous pourrons bien un jour décerner aux défenseurs de Louis XVI des couronnes civiques ; car, s’ils défendent sa cause, ils peuvent espérer de la faire triompher ; autrement vous ne donneriez à l’univers qu’une ridicule comédie. (On applaudit.) Et nous osons parler de République ! Nous invoquons des formes, parce que nous n’avons plus de principes ; nous nous piquons de délicatesse, parce que nous manquons d’énergie ; nous étalons une fausse humanité, parce que le sentiment de la véritable humanité nous est étranger ; nous révérons l’ombre d’un roi, nous ne savons pas respecter le peuple ; nous sommes tendres pour les oppresseurs, parce que nous sommes sans entrailles pour les opprimés.

Procès

Le procès à Louis XVI ! Mais qu’est-ce que ce procès, si ce n’est l’appel de l’insurrection à un tribunal ou à une assemblée quelconque ? Quand un roi a été anéanti par le peuple, qui a le droit de le ressusciter pour en faire un nouveau prétexte de trouble et de rébellion ? Et quels autres effets peut produire ce systême ? En donnant une arme aux champions de Louis XVI, vous ressuscitez la querelle du despotisme contre la Liberté ; vous consacrez le droit de blasphémer contre la République et contre le peuple ; car le droit de défendre l’ancien despote emporte le droit de dire tout ce qui tient à sa cause. Vous réveillez toutes les factions ; vous ressuscitez, vous encouragez le royalisme assoupi ; on pourra librement prendre parti pour ou contre. Quoi de plus légitime, quoi de plus naturel que de répéter partout les maximes que ses défenseurs pourront professer hautement à votre barre et dans votre tribune même ! Quelle République que celle dont les fondateurs lui suscitent de toutes parts des adversaires pour l’attaquer dans son berceau ! Voyez quels progrès rapides a déjà faits ce systême ! A l’époque du mois d’août dernier, tous les partisans de la royauté se cachaient ; quiconque eût osé entreprendre l’apologie de Louis XVI eût été puni comme un traître ; aujourd’hui ils relèvent impunément un front audacieux ; aujourd’hui les écrivains les plus décriés de l’aristocratie reprennent avec confiance leurs plumes empoisonnées, trouvent des successeurs qui les surpassent en impudeur. (On applaudit.) Aujourd’hui des écrits précurseurs de tous ses attentats inondent la cité où vous résidez, les 84 départemens, et jusqu’aux portiques de ce sanctuaire de la Liberté ; aujourd’hui des hommes armés, appelés, retenus dans ces murs, et par qui  ? ….. ont fait retentir les rues de cette cité de cris séditieux, qui demandent l’impunité de Louis XVI ; aujourd’hui Paris renferme dans son sein des hommes rassemblés, vous a-t-on dit, pour l’arracher à la justice de la Nation. Il ne vous reste plus qu’à ouvrir cette enceinte aux athlètes qui se pressent déjà pour briguer l’honneur de rompre des lances en faveur de la royauté ; que dis-je ! Aujourd’hui Louis partage les mandataires du peuple ; on parle pour ou contre lui. Il y a deux mois, qui eût pu soupçonner qu’ici ce serait une question, s’il était inviolable ou non ? Mais depuis qu’un membre de la Convention nationale a présenté la question comme l’objet d’une délibération sérieuse, préliminaire à toute autre question, l’inviolabilité dont les conspirateurs de l’Assemblée constituante ont couvert ses premiers parjures, a été invoquée pour protéger ses dernier attentats.

Crime

O crime ! ô honte ! La tribune du peuple Français a retenti du panégyrique de Louis XVI. Nous avons entendu vanter les vertus et les bienfaits du tyran…. A peine avons-nous pu arracher à l’injustice d’une décision précipitée l’honneur ou la liberté des meilleurs citoyens. Que dis-je ? Nous avons vu accueillir avec une joie scandaleuse les plus atroces accusations contre des représentans du peuple connus par leur zèle pour la Liberté ; nous les avons vus sur le point d’être immolés par leurs collègues presqu’aussitôt que dénoncés ; et la cause du tyran seul est tellement sacrée qu’elle ne peut être ni assez longuement ni assez librement discutée ! Et pourquoi nous en étonner ? ce double phénomène tient à la même cause. Si nous les en croyons, le procès durera au moins plusieurs mois ; il atteindra l’époque du printems prochain, où les despotes doivent nous livrer une attaque générale ; et quelle carrière ouverte aux conspirateurs ! quel aliment donné à l’intrigue et à l’aristocratie ! Ainsi tous les partisans de la tyrannie pourront espérer encore dans les secours de leurs alliés, et les armées étrangeres encourager l’audace des juges, en même-tems que leur or tentera la fidélité du tribunal qui doit prononcer sur son sort. Je veux bien croire que la République n’est point un vain nom dont on nous amuse ; mais quels autres moyens pourrait-on employer, si l’on voulait rétablir la royauté ? Juste ciel ! toutes les hordes féroces du despotisme s’apprêtent à déchirer de nouveau le sein de notre patrie, au nom de Louis XVI. Louis combat encore contre nous du fond de son cachot, et l’on doute s’il est coupable, s’il est permis de le traiter en ennemi ! On demande quelles sont les lois qui le condamnent. On invoque en sa faveur la constitution…..

Constitution

La constitution vous défendait tout ce que vous avez fait contre lui. S’il ne pouvait être puni que de la déchéance, vous ne pouviez la prononcer sans avoir instruit son procès ; vous n’aviez point le droit de le retenir en prison ; il a celui de vous demander son élargissement et des dommages et intérêts. La constitution vous condamne : allez donc aux pieds de Louis invoquer sa clémence…… Pour moi, je rougirais de discuter plus sérieusement ces arguties constitutionnelles ; je les relègue sur les bancs de l’école ou du Palais, ou plutôt dans les cabinets de Londres, de Vienne ou de Berlin. Je ne sais point discuter longuement où je suis convaincu que c’est un scandale de délibérer. Pourquoi ce que le bon sens du peuple décide aisément, se change-t-il pour ses délégués en problême presqu’insoluble ? Avons-nous le droit d’avoir une volonté contraire à la volonté générale, et une sagesse différente de la raison universelle ? 

Entendu

J’ai entendu les défenseurs de l’inviolabilité avancer un principe hardi, que j’aurais presque hésité à énoncer moi-même ; ils ont dit que ceux qui, le 10 août, auraient immolé Louis XVI auraient fait une action vertueuse ; mais la seule base de cette opinion ne pouvait être que les crimes de Louis XVI et les droits du peuple. Or, trois mois d’intervalle ont-ils changé ses crimes ou les droits du peuple ? Si alors on l’arracha à l’indignation publique, ce fut sans doute uniquement pour que sa punition, ordonnée solennellement par la Convention nationale, au nom de la Nation, en devînt plus imposante pour les ennemis de l’humanité ; mais remettre en question s’il est coupable, ou s’il peut être puni, c’est trahir la foi donnée au peuple Français.

Gens

Il est peut-être des gens qui, soit pour empêcher que l’Assemblée ne prenne un caractère digne d’elle, soit pour ravir aux Nations un exemple qui élèverait les ames à la hauteur des principes républicains, soit pour des motifs encore plus honteux, ne seraient pas fâchés qu’une main privée remplît les fonctions de la justice nationale. Citoyens, défiez-vous de ce piège. Quiconque oserait donner un tel conseil ne servirait que les ennemis du peuple. Quoi qu’il arrive, la punition de Louis n’est bonne désormais qu’autant qu’elle portera le caractère solennel d’une vengeance publique. Qu’importe au peuple le méprisable individu du dernier roi ?

Grande cause

C’est une grande cause, a-t-on dit, et qu’il faut juger avec une sage et lente circonspection….. Une grande cause, c’est un projet de loi populaire ; une grande cause, c’est celle d’un malheureux opprimé par le despotisme. Quel est le motif de ces délais éternels que vous nous recommandez ? Craignez-vous de blesser l’opinion du peuple ? Comme si le peuple lui-même craignait autre chose que la faiblesse ou l’ambition de ses mandataires ; (On applaudit.) comme si le peuple était un vil troupeau d’esclaves stupidement attaché au stupide tyran qui l’a proscrit, voulant, à quelque prix que ce soit, se vautrer dans la bassesse et dans la servitude.

Opinion

Vous parlez de l’opinion ; n’est-ce point à vous de la diriger, de la fortifier si elle s’égare. Si elle se déprave, à qui faudrait-il s’en prendre, si ce n’est à vous-mêmes ? Craignez-vous de mécontenter les rois étrangers ligués contre vous ? Oh ! sans doute, le moyen de les vaincre, c’est de paraître les craindre ; le moyen de confondre la criminelle conspiration des despotes de l’Europe, c’est de respecter leur complices. Craignez-vous les peuples étrangers ? Par quelle contradiction supposeriez-vous que les Nations qui n’ont point été étonnées de la proclamation des droits de l’humanité, seront épouvantées du châtiment de l’un de ses plus cruels oppresseurs ?

Peine

Nouvelle difficulté : à quelle peine condamnerons-nous Louis ? La peine de mort est trop cruelle. Non, dit un autre, la vie est plus cruelle encore ; je demande qu’on le laisse vivre. Avocats du roi, est-ce par pitié ou par cruauté que vous voulez le soustraire à la peine de ses crimes ? Pour moi, j’abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois ; et je n’ai pour Louis ni amour ni haine ; je ne hais que ses forfaits. J’ai demandé l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée que vous nommez encore constituante ; et ce n’est pas ma faute si les premiers principes de la raison lui ont paru des hérésies morales et politiques. Mais vous, qui ne vous avisâtes jamais de les réclamer en faveur de tant de malheureux dont les délits sont moins les leurs que ceux du gouvernement, par quelle fatalité vous en souvenez-vous seulement pour plaider la cause du plus grand de tous les criminels ? (On applaudit.) Vous demandez une exception à la peine de mort pour celui-là seul qui peut la légitimer.

Sûreté

Jamais la sûreté publique ne la provoque contre les délits ordinaires, parce que la société peut toujours, par d’autres moyens, mettre le coupable dans l’impuissance de lui nuire. Mais un roi détrôné, au sein d’une révolution qui n’est rien moins que cimentée par des lois justes ; un roi dont le nom seul attire le fléau de la guerre sur la nation agitée ; ni la prison, ni l’exil ne peut rendre son existence indifférente au bonheur public. Et cette cruelle exception aux lois ordinaires que la justice avoue ne peut être imputée qu’à la nature de ses crimes. Je prononce à regret cette fatale vérité ; mais Louis doit périr, plutôt que 100 mille citoyens vertueux ; Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive. Chez un peuple paisible, libre, et respecté au dehors comme au dedans, on pourrait écouter les conseils qu’on vous donne d’être généreux : mais un peuple à qui l’on dispute encore sa liberté après tant de sacrifices et de combats, un peuple chez qui les lois ne sont encore inexorables que pour les malheureux, un peuple chez qui les crimes de la tyrannie sont des problêmes, et la République le patrimoine des fripons, doit exiger qu’on le venge ; et la générosité dont on vous flatte, ressemblerait trop à celle d’une société de brigands qui partage ses dépouilles.

Je vous propose de statuer dès ce moment sur le sort de Louis. Quant à sa femme, vous la renverrez aux tribunaux, ainsi que toutes les personnes prévenues des mêmes attentats. Son fils sera gardé au Temple, jusqu’à ce que la paix et la liberté publique soient affermies. Pour Louis, je demande que la Convention nationale le déclare traître à la Nation française, criminel envers l’humanité. Je demande qu’à ce titre, il donne un grand exemple au monde, dans le lieu même où sont morts, le 10 août, les généreux martyrs de la liberté, et qu’à cet évenement mémorable soit consacré un monument destiné à nourrir dans le cœur des peuples les sentimens de leurs droits et l’horreur des tyrans ; et dans celui des tyrans la terreur salutaire de la justice du peuple….. 

(La suite demain.)

Suite