au temps de ma tendre enfance

« Pousses de bambou
au temps de ma tendre enfance
dessinées par jeu »

Bashô


Le Manteau de pluie du singe (Été, page 43) Le livre a été traduit et commenté par René Sieffert et publié chez pof (publications orientalistes de France) par la Société franco-japonaise de Paris avec le concours de la Fondation du Japon (1986)

Deux minces fascicules, respectivement de trente-six et vingt-quatre feuillets, intitulés Sarumino, “le Manteau de pluie du singe”


« Lune au point du jour
les yeux au ciel j’écoute
le chant du coucou »

Kikaku

En face du hokku de Kikaku, René Sieffert donne ces éclaircissements : 

« La lune du point du jour est la lune à son dernier quartier. Hototogisu que l’on traduit généralement par “coucou” – il en a en effet les mœurs, sinon tout à fait le chant – est à l’été ce que le rossignol est au printemps, l’oiseau poétique par excellence. Son chant toutefois incite à la mélancolie, surtout quand viennent les pluies de la cinquième lune, les interminables pluies de la mousson qui entravent les relations sociales et qui engendrent des maladies souvent fatales. Le coucou devient alors le “guide des monts de la mort” ou le “maître des champs de la mort”. Ces connotations, fréquentes dans la poésie classique, sont plus rarement explicitées dans le haïkaï, mais il est bien évident qu’elles sont présentes à l’esprit des auteurs. »


« Le trois de la septième lune de l’an quatre de Genroku (août 1691), sortait des presses de l’imprimeur-éditeur Izutsuya Shôhei, “à Kyôto, Téramachi, près la Deuxième Avenue en descendant”, un recueil de haïkaï de l’école de Bashô (Shômon), deux minces fascicules, respectivement de trente-six et vingt-quatre feuillets, intitulés Sarumino, “le Manteau de pluie du singe”. Le choix en avait été effectué par Muka.i Kyoraï ey Nozawa Bonchô, et, fait exceptionnel, sous le contrôle personnel du Maître ; la préface avait été rédigée par Enomoto Kikaku, le chef de file du groupe d’Edo, poète déjà célèbre, et la postface par le moine Jôsô, qui venait de rejoindre le Shômon. »

(Premières lignes de l’introduction écrite par René Sieffert pour le recueil.)

« Traduire de la poésie est une entreprise qui relève de la haute voltige, mais prétendre traduire du haïkaï, c’est, pour employer un langage imagé, vouloir faire du trapèze volant sans filet. Un verset comporte trois, quatre, au plus cinq sémantèmes qui parfois n’ont que de lointains équivalents dans notre langue, et sont affectés en outre de connotations culturelles très éloignées des nôtres. On serait tenté, la plupart du temps, d’introduire un minimum de précision dans le texte même. Mais c’est là qu’on se heurte à la difficulté majeure, celle qu’oppose la forme qui, loin d’être débarrassée, comme l’affirme Roland Barthes, des contraintes métriques, est, tout au contraire, d’un inflexibilité quasi absolue, au point que Bashô lui-même avait renoncé à l’assouplir, après quelques tentatives qui ne l’avaient que médiocrement satisfait. En faire fi dans une traduction, en faire du “vers libre”, disposé sur trois lignes pour jeter la poudre aux yeux du lecteur, c’est perdre irrémédiablement un élément qui, pour être purement formel, n’en est pas moins essentiel. J’ai donc tenté le diable en essayant de respecter ce rythme qui par son aspect insolite en français accentue peut-être encore le côté étrange du haïkaï, mais est-ce un mal ? »

(page XII)

Bashô « insistera tout particulièrement sur trois qualités que doit présenter la poésie : sabi, la “patine”, karumi, la légèreté (l’absence de lourdeur), kokkei, le “cocasse”. On trouvera dans les Notes de Kyoray et les Trois livres de Tohô d’abondants développements sur ces trois notions. Rappelons seulement que le sabi est l’émotion que suscite la constatation, que l’on peut faire à chaque instant, que le temps dégrade tout ce qui nous entoure, et singulièrement tout ce qui vit, l’arbre comme la fleur, l’homme aussi bien que la cigale. 

L’essence du sentiment esthétique, le principe même de l’art est là, dans cette fragilité, dans cette “universelle impermanence” que souligne lourdement le bouddhisme, que rappelle cruellement une nature prodigue, au Japon plus qu’ailleurs, de cataclysmes de toutes sortes. 

(page VII)

Le recueil est présenté par une « introduction », sans doute due à René Sieffert, qui dépayse le lecteur parisien de la fin du XXe siècle ou du début du XXIe. « Le trois de la septième lune de l’an quatre de Genroku (août 1691), sortait des presses de l’imprimeur-éditeur Izutsuya Shôhei, à “Kyôto, Téramachi, près la Deuxième Avenue en descendant,” un recueil de haïkaï de l’école de Bashô (Shômon), deux minces fascicules, respectivement de trente-six et vingt-quatre feuillets, intitulés Sarumino, “le Manteau de pluie du singe”. »