Le quai des heures

MACHINA QVAE BIS SEX

C’est ici, à l’angle du palais de justice, que fut installée, en 1370, la première horloge de France. En 1418, un cadran extérieur fit la grâce aux Parisiens d’une heure contrôlée par le roi. 

Si vous passez par le boulevard du Palais, vous pourrez mieux voir les inscriptions qui l’entourent. Celle-ci est peut-être la plus énigmatique : 

MACHINA QVAE BIS SEX 
TAM JVSTE DIVIDIT HORAS 
JVSTITIAM SERVARE MONET 
LEGESQUE TVERI

(Ce mécanisme, qui divise si exactement les heures en deux fois six,
nous invite à protéger la justice
et à faire respecter les lois.)



Un étonnant livre de Laurence Gauthier et Jacqueline Zorlu, Paris en Latin, nous éclaire sur le sens de cette auguste maxime. 

« Si les Romains et les moines du Moyen Âge utilisaient bien douze heures, leur longueur variait suivant les saisons […] Ce n’est qu’au XIIIᵉ siècle que furent adoptées ces heures d’égale durée, progrès rendu possible avec les développements de l’horlogerie. »

Midi, minuit. À moins que ce ne soit 12h et 0h. Que préférez-vous ? Midi moins le quart ou 11h45 ? Une montre avec cadran et aiguilles qui tournent ou bien un écran avec des chiffres ? 

Dans ce dernier cas, bien sûr, vous devrez déchiffrer. L’analytique aura pris le pas sur l’analogique. Disparues les images plus ou moins directes du cadran solaire et de l’éternelle course circulaire. Les rondes quotidiennes autour d’un centre solaire s’effacent devant des quantités de secondes qui s’additionnent dans des caisses enregistreuses pour fabriquer des minutes, des heures. 

Toute une comptabilité qui a un avantage  : ce temps numérisé se prête facilement au calcul implacable. Tout comme les pièces de monnaie et les billets de banque. Allez donc faire les quatre opérations quand ce que vous maniez sont les positions des aiguilles sur les cadrans !


Rue de Madrid, août 2005

Partout la même heure et vous arrivez à temps à vos rencontres comme à votre travail. Mais malheur à celui qui fixera à 18 h 44 un rendez-vous avec son amante ! Elle aura fui et attendra en rêvant un galant au charme flottant, tâtonnant. 
Elle détestera ce monde synchrone, marchant au pas cadencé de la production des valeurs d’échange. Pour elle, les rythmes changeants de l’amour et des danses. Pour d’autres, la répétition sans fin des Temps modernes sur des chaînes rapides bien qu’humainement inertes, ineptes.


Canon

Autres temps, autres mœurs.