
Vieux papiers conservés, retrouvés, exposés.
L’un des feuillets est à l’entête du « Grand Hôtel, Paris ». C’est illustré d’une vue du bâtiment avec, sur la droite, le Palais Garnier. On y donne les « Téléphones : 235-48 – 235-49 – 235-51 » et il est précisé que le progrès de l’industrie et du luxe offre le « Chauffage central dans toutes les chambres ».
Est-ce la raison pour laquelle les futuristes du début du XXe siècle ont choisi de s’y réunir pour rédiger leur retentissant manifeste ?

Ces « Cinq feuillets manuscrits du manifeste du futurisme, fin 1908 » ont été montrés dans une exposition à Beaubourg, du 15 octobre 2008 au 26 janvier 2009 :
« Le Futurisme à Paris – une avant-garde explosive ».


Le texte, de la main sans doute de Marinetti en personne, peut témoigner, par son écriture nerveuse et ses ratures nombreuses, d’une certaine exaltation. Une transcription : « 10 – Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le féminisme, le socialisme et toutes les lâchetés réformistes »
Tout près, la Une de l’édition du 20 février 1909 du Figaro est affichée. Y est publié le Manifeste Futuriste, où le point 10 proclame de curieuses variantes : « … 10 – Nous voulons détruire les musées, les bibliothèques, combattre le féminisme, le moralisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.… »

L’exposition affiche un autre brûlot : le « Manifeste futuriste de la luxure ». Publié le 11 janvier 1913 par Valentine de Saint-Point, sa rhétorique sidérera le lecteur de 2008 :
« Après une bataille où des hommes sont morts, il est normal que les victorieux, sélectionnés par la guerre, aillent, en pays conquis, jusqu’au viol pour recréer la vie. »
Qui fera la part de toutes les motivations possibles de telles envolées ?
Provocation insouciante lancée par une jeunesse impatiente d’épater le bourgeois ? Affirmation d’une volonté aristocratique consciente d’écraser les faibles, ceux qui ont pris au moins les apparences du pouvoir, à la faveur de conquêtes démocratiques ? Expression morbide des angoisses qui ont saisi les plus conscients des artistes et des écrivains devant cette Belle Époque si riche en horreurs diverses ?