
Un des mouvements issus de l’ultraïsme espagnol a refait surface, le 15 janvier 2014, rue Quentin Bauchart. Stridentisme, c’est le nom et le drapeau de l’un de ces groupes qui ont secoué l’entre-deux guerres au delà de l’Atlantique, avant de tomber dans l’oubli.
Le mot trouve son origine chez Jules Laforgue, comme son représentant le plus marquant, Maples Arce, l’a affirmé à Serge Fauchereau. C’était l’autorité bienveillante et érudite de la réunion presque intime que l’Institut Cervantès a dédiée à un ouvrage savant consacré au groupe mexicain.


Cette révélation, on ne la trouvera pas dans le livre présenté, mais le critique d’art apprendra, en retour, qu’un des poèmes fondateurs de ce mouvement a été prononcé par son auteur, Arce, à l’occasion de l’inauguration de l’antenne de Radio Mexico, en 1923.
En fait, ce fut la première radio privée, éphémère, fondée par le périodique El Universal Illustrado, et qui cessa d’émettre en 1928. Mais, pour la première fois à Mexico un poème était lu à la radio. Son titre valait programme : TSH, en français, TSF.
À l’improviste et à la toute fin de la soirée, Antoine Chareyre, le responsable et traducteur de l’anthologie, lut le poème, plus sur le ton de l’universitaire qu’avec la flamme lyrique de l’auteur, mais les mots parlaient d’eux-mêmes.
T.S.F.
Par-dessus la falaise noctune du silence
on projette des placards d’etoiles
et dans l’amplificateur inversé du sommeil,
se perdent les paroles
oubliées.
T. S. F.
des pas
immergés
dans l’ombre
vide des jardins.
Le cadran
de la lune mercurielle
a hurlé l’heure aux quatre horizons.
La solitude
est un balcon
ouvert sur la nuit.
Où sera donc le nid
de ce chant mécanique ?
La mémoire, antenne inassoupie
Collige les messages
sans-fil
de quelque adieu en charpie.
Femmes en naufrage
que trompèrent les directions
transatlantiques ;
et les voix
de détresse
éclatent, fleurs,
sur les fils
des portées
internationales.
Le cœur
me submerge dans les lointains.
C’est le « jazz-band »
de New-York ;
syncrochroniques escales
aux luxures épanouies
et propulsion des moteurs.
Hertz, Marconi, Edison, vos asiles !
Le cerveau phonétique baratte
l’accidentelle perspective
des idiomes.
Allo !
Une étoile d’or
est tombée dans la mer.
T. S. H.
Sobre el despeñadero nocturno del silencio
las estrellas arrojan sus programas,
y en el audión inverso del ensueño,
se pierden las palabras
olvidadas.
T. S. H.
de los pasos
hundidos
en la sombra
vacía de los jardines.
El reloj de la luna mercurial
ha ladrado la hora a los cuatro horizontes.
La soledad
es un balcón
abierto hacia la noche.
¿ En dónde estará el nido
De esta canción mecánica ?
Las antenas insomnes del recuerdo
recogen los mensajes
inalámbricos
de algún adiós deshilachado.
Mujeres naufragadas
que equivocaron las direcciones
trasatlánticas ;
y las voces
de auxilio
como flores
estallan en los hilos
de los pentágramas
internacionales.
El corazón
me ahoga en la distancia.
Ahora es el « Jazz-Band »
de Nueva York ;
son los puertos sincrónicos
florecidos de vicio
y la propulsión de los motores.
¡ Manicomio de Hertz, de Marconi, de Edison !
El cerebro fonético baraja
la perspectiva accidental
de los idiomas.
Hallo
Una estrella de oro
ha caído en el mar.

Présentation de l’éditeur
(Le temps des cerises)
« Mexico, 1921 : un jeune poète placarde au coin des rues un confondant Comprimido estridentista, synthèse des multiples « ismes » d’Europe à l’usage du Mexique postrévolutionnaire. Avec ce manifeste, Maples Arce (1900-1981) fonde le Stridentisme, l’une des premières et des plus significatives avant-gardes d’Amérique latine. Une demi-décennie durant d’agitation culturelle, de nouveaux manifestes collectifs et de revues éphémères, il publie les recueils Andamios interiores, poemas radiográficos (1922), Urbe, super-poema bolchevique en 5 cantos (1924) et Poemas interdictos (1927).
Au-delà des pièces d’anthologie, le présent volume entend donner à lire ces textes essentiels d’un auteur longtemps mésestimé, mais aussi, au gré d’un appareil critique, documentaire et iconographique fourni, à comprendre et à voir un mouvement encore méconnu en France. Ami de Diego Rivera et des muralistes, tôt salué par Borges, traduit par John Dos Passos, tiré des archives par Roberto Bolaño, le chef de file du Stridentisme méritait sans doute les soins de cette première édition d’ensemble en français. »