
Le Monde daté des 9 et 10 mars 2003 confirme que les comportements de ses dirigeants sont bien ceux de chefs de partis.
On y apprend que la chronique du médiateur a été censurée par Plenel. Le papier intitulé « Face-à-face », publié dans Le Monde daté des 2 et 3 mars, a été caviardé. Contrairement à ce qui se faisait pendant la guerre de 1914-1918, on n’a pas passé à l’encre noire le passage déplaisant. Il a simplement été coupé. Et sans l’accord de son auteur, Robert Solé.
Or, comme le rappelle Solé lors du week-end des 9 et 10 mars, la charte du Monde stipule que la chronique du médiateur ne peut « en aucun cas être modifiée sans son accord ».
Plenel s’en explique dans un encadré : « Je ne lis jamais la chronique du médiateur avant sa publication. C’est un principe. Samedi 1er mars, il m’a cependant été signalé, très peu de temps avant le bouclage de 10 h 30, qu’elle donnait une information sur notre vie interne que je n’avais pas retransmise dans les mêmes termes à toute la rédaction. »
Comme on le voit, Plenel est un homme de principes. De principes qui admettent des dérogations, donc qui ne sont pas des principes. Dans l’éthique commune, s’il est possible de déroger à des règles, il en est certaines qui ne souffrent aucune exception : on les appelle des principes. C’est ce qui permet d’éviter la casuistique et les affirmations selon lesquelles la fin justifie les moyens.
Au delà de ces questions de morale (de déontologie, comme on dit maintenant, surtout au Monde) qui ne semblent guère embarrasser le directeur des rédactions du journal, le passage qu’il a censuré mérite d’être lu :
« Le journal ne peut, me semble-t-il, s’en tenir à une réponse générale, une réfutation en bloc de La Face cachée du « Monde ». Il faut faire la lumière sur quelques accusations graves, qui risquent d’affecter durablement sa réputation et de resurgir à la moindre occasion. Car cette machine infernale est aussi une bombe à retardement. Une recension des « erreurs, mensonges, diffamations et calomnies » contenues dans le livre a commencé à la rédaction en chef. Elle devrait se traduire, tôt ou tard, par une publication. Le plus vite serait le mieux. Mais les éclaircissements que Le Monde doit à ses lecteurs ne sauraient se limiter à l’édition d’un catalogue d’erreurs. »
Quelqu’un a donc « informé » le directeur des rédactions et Plenel s’est affolé. Y avait-il de quoi ? Les lecteurs du Monde n’avaient pas trouvé dans leur journal les réponses nécessaires aux critiques de Péan et Cohen. Le médiateur le reconnaissait. Si son rôle a un sens, il faut bien que les protestations s’expriment dans sa chronique. Mais Plenel ne peut à ce point admettre la critique qu’il administre la preuve que Péan et Cohen avaient raison de l’accuser d’abus de pouvoir. Et cette fois c’est sur sa propre rédaction.
Mais tout se passe comme si une certaine résistance s’exerçait au sein même de la rédaction du Monde. Est-ce le sens du dessin que Plantu a publié sur son site (plantu.net) et dans lequel sa souris familière apparaît bâillonnée alors qu’elle lit le livre de Péan et Cohen ? La question se pose, mais Plenel semble y répondre en accusant Plantu de jouer « perso ».

En lisant La face cachée du Monde, on peut comprendre que ce journal a tout d’un parti. Un parti qui ne dirait pas son nom.
Un peu comme dans tel roman de Balzac où trois bourgeois de province décident de se grouper pour défendre leurs intérêts très immédiats. Ils appellent cela faire un parti et envisagent de l’affilier au parti libéral pour les prochaines élections. Ce mot parti avait un sens bien plus flou qu’aujourd’hui, où il porte le poids des partis modernes, des structures et des disciplines.
Aujourd’hui, ce parti, Le Monde, tient sa force de la faiblesse des partis déclarés comme tels, de leur impuissance lorsqu’ils sont au pouvoir, de leur absence de programme. Si les partis n’ont plus de programme, comment se regrouper sur autre chose que sur une « attitude », éventuellement morale, mais en fait sans principes éprouvés. Ce genre de choses, un journal peut le faire.
Le 7 mars 2003, Jean-Marie Colombani, le patron du Monde a dit de Philippe Cohen, dans un interview au Parisien : « on s’est aperçu qu’il avait été exclu du « Monde » ». Plus loin, en parlant de Schneiderman, qui avait fait une chronique critique vis-à-vis de la direction du Monde dans le supplément radio-télé, il le qualifie de « chroniqueur extérieur au « Monde » ». On croit entendre les classiques « il s’est mis lui même en dehors du parti ».
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