
J’observe le café d’en face et ses clients bavards. C’est un Café du Commerce, de la Gare, du Centre, du Bon Coin, du Chien qui fume. On y cause autant que dans un salon, en usant de termes directs ou imagés, dans cette langue du peuple que tant de grands écrivains ont recherchée comme une source de vie. On y parle de tout et de rien ; on moque les puissants et les impuissants ; on compatit aux malheurs des amis et gens du commun ; on commente ensemble les événements du vaste monde ; on forge de bric et de broc l’opinion populaire.
« Il n’est bon bec que de Paris », chantait déjà Villon.
Une camarade de solitude silencieuse s’est épanchée un jour à mon oreille minérale pour se plaindre et pour m’envier. Sur le réseau où transitent nos pensées inaccomplies elle m’a décrit le triste spectacle des conversations de politologues (ainsi nommés), professeurs de sciences politiques (ainsi nommées), fabricants de sondages d’opinions (ainsi nommés, présentés comme des scientifiques savants).
Devant des micros, ils commentent les commentaires de leurs collègues, eux mêmes glosant sur les les paroles verbales proférés par des gens qui se prétendent les porte-parole de l’opinion. Ils croient pouvoir l’influencer en la sondant. Ils n’en connaissent rien.
« Rienologues », disait déjà Balzac.