Dans l’avenue Rachel, de Louki à Nadja

Modiano

« J’avais oublié aussi le silence et le calme de l’avenue Rachel qui mène au cimetière, mais l’on n’y pense pas, au cimetière, on se dit que tout au fond on débouchera sur la campagne, et même avec un peu de chance sur une promenade de bord de mer. »

Patrick Modiano – Dans le café de la jeunesse perdue -Gallimard – p. 61


Dans une autre partie du livre, parle Louki, l’héroïne aux allures de Nadja :

« Je n’avais pas l’habitude qu’on me pose des questions. J’étais même étonnée qu’ils s’intéressent à mon cas. La seconde fois, au commissariat des Grandes Carrières, j’étais tombée sur un flic plus gentil que le précédent et je prenais goût à sa manière de me poser des questions. Ainsi, il était permis de se confier, de parler de soi, et quelqu’un en face de vous s’intéressait à vos faits et gestes. J’avais si peu l’habitude de cette situation que je ne trouvais pas les mots pour répondre. Sauf pour les questions précises. […] Il me souriait et me regardait dans les yeux, un regard aussi clair que celui de ma mère, mais plus tendre, plus attentif. Il m’a demandé aussi quelle était ma situation familiale. Je me sentais en confiance […] Je ne savais pas qui était mon père. J’étais née là-bas, en Sologne, mais nous n’y étions jamais retournées. […] J’éprouvais une sensation nouvelle : à mesure que je lui donnais tous ces pauvres détails, j’étais débarrassée d’un poids. Cela ne me concernait plus, je parlais de quelqu’un d’autre. »

Une association avec Nadja était évidente. L’éditeur la met donc en valeur dans la réclame qu’il diffuse pour vendre le livre. Son bulletin, Le Gallimard, (octobre-novembre -décembre 2007) publie une interview de Patrick Modiano. La chute :

« Louki, le personnage central du roman, serait-elle une nouvelle Nadja ?

C’est un grand compliment ! Dans Nadja, il y a un arrière-fond un peu psychiatrique, là, c’est plus élégiaque, plus idyllique… Mais chez Breton aussi, il y a cette obsession de Paris, des déambulations urbaines, des rencontres avec Nadja, c’est vrai qu’il y a une forte ressemblance… »